Chapitre 11: Le vote
Léonard n’avait pas cessé de regarder le flux des personnes qui revenaient dans la salle. Tout le monde était presque là. Finalement Patrice Jik apparut, suivi quelques secondes après de Frédéric’ Cino.
― Comme par hasard…, dit Léonard doucement mais quand même à voix haute.
Moins de deux minutes plus tard, tout le monde était à sa place et Patrice Jik prit la parole :
― Nous allons reprendre si vous le voulez bien. Silence dans la salle s’il vous plait.
Il attendit un court instant jusqu’à obtenir le silence total.
― Je vous remercie. Nous allons donc maintenant pouvoir procéder aux votes des différentes propositions qui nous ont été faites.
La coutume de la Ligue dans ce genre de réunion était un vote à main levée des dirigeants. Depuis les cinq dernières années pour qu’une proposition soit approuvée il fallait qu’elle soit votée à l’unanimité. Chose qui avait entraîné la Ligue dans une grande stagnation. Cette idée de l’unanimité avait été proposée par Frédéric’ Cino alors que les votes se faisaient encore à la majorité. Il avait défendu le fait qu’avec un vote à l’unanimité la Ligue se prémunirait contre d’éventuels complots internes visant à faire passer telle ou telle idée de telle ou telle branche. Seul Léonard n’avait pas été en faveur de ce principe, ne voyant là qu’une impasse dans laquelle la Ligue allait s’engouffrer.
Patrice Jik qui était un homme qui faisait attention à son image avait tiré parti de ce principe. En tant que président de la ligue de refus des téléporteurs il s’était réservé le droit de toujours voter en dernier. Cela lui permettait de ne pas se prononcer sur les thèmes qui ne recevaient pas les quatre autres votes. En effet, puisque de toute façon l’unanimité ne serait pas obtenue, il pouvait ne pas dire ce qu’il pensait et ainsi ne pas se faire d’ennemi. Cela lui permettait également de mettre son véto dans le cas où un projet approuvé par l’ensemble des quatre autres membres n’était pas à son goût.
― Commençons le premier vote, qui est la proposition de Monsieur Frédéric Cino quant à changer notre position sur le transport d’animaux.
Frédéric’ Cino leva la main. Patrice Jik regarda les autres membres qui ne semblaient pas disposés à donner leur voix à ce projet. Alberto’ D’Alino se sentant mal à l’aise sous le regard du président de la Ligue s’expliqua :
― Je regrette, mais le fait d’accepter le transport d’animaux ne peut être que mauvais pour les océans…
― Comprenez-moi bien Monsieur D’Alino, insista Frédéric’ Cino, quoi que nous décidions aujourd’hui les gens utilisent de toute façon les téléporteurs pour eux-mêmes comme pour les animaux. Je ne cherche qu’à donner une meilleure image de notre mouvement à l’opinion publique, de manière à nous donner plus de poids. Si nous étions écoutés davantage nous pourrions faire beaucoup plus pour les océans.
― Bien dans ce cas, je pense que nous sommes d’accord, accepta Alberto’ D’Alino en levant sa main.
Les regards se tournèrent vers Akira Kanzaki.
― Mon mouvement n’est pas intéressé par ce genre de questions et nous n’avons pas de position à ce sujet. Considérez donc que je vote blanc, ou que je ne vote simplement pas.
― Bien, nous ne ferons donc qu’un vote à quatre voix sans vous prendre en compte, si cela ne vous dérange pas, conclut Patrice Jik.
― Cela ne me dérange absolument pas, répondit Akira.
Léonard vit alors tout le monde se tourner vers lui.
― Monsieur Rei ? demanda le président d’un ton mielleux, pouvons-nous ne pas compter votre voix non plus sachant la situation incertaine de votre groupement ?
― Quelle que soit la situation de mon mouvement, je suis et je reste jusqu’à maintenant le leader des Terres Bleues et en tant que tel je m’oppose fermement à l’idée de Monsieur Cino, déclara Léonard d’un ton très clair.
Les visages de Jik et de Cino’ devinrent rouges de colère.
― Enfin, reprit Cino’ en se levant brusquement, vous n’avez pas pu vous exprimer ni faire de proposition car vous êtes dans une phase de transition, mais vous pouvez par contre vous permettre de rejeter les propositions des autres ! Ça n’a aucun sens !
― Quelque soit la voix que mon mouvement souhaite suivre, nous serons toujours contre les téléporteurs de quelque façon que ce soit. Je vote contre ce projet et je vous prie de respecter mon opinion.
― C’est ridicule, cracha Cino’ à Léonard avant de tourner la tête du côté de Patrice Jik.
Patrice Jik lui fit un signe de la main lui disant de se calmer.
― Passons au vote suivant, déclara ce dernier, qui est pour la grande campagne de publicité proposée par Monsieur Alberto D’Alino ?
Alberto’ D’Alino et Léonard Rei levèrent la main. Suivi peu de temps après de Akira Kanzaki qui se justifia en disant :
― Notre mouvement même s’il est principalement intéressé par la technologie des téléporteurs, n’est pas indifférent au sort de la planète, je voterai donc cette fois-ci si vous me le permettez.
― Bien sûr, répondit Jik.
Tout le monde regarda Frédéric’ Cino, qui n’avait pas levé la main.
― Nous autres Téléligueurs sommes sceptiques sur ce sujet. Comprenez-moi bien. Je conçois vos préoccupations. Mais je ne pense pas que transformer notre ligue de refus des téléporteurs en ligue de protection de la planète, en faisant plein de publicité sur le sujet, nous donnera une meilleure image. Les gens sont indifférents au sort des océans dans leur grande majorité.
― Mais c’est bien pour cela que nous devons les sensibiliser là-dessus, répondit Alberto’ D’Alino cherchant à défendre sa proposition.
― Je regrette mais les Téléligueurs n’approuvent pas ce projet, conclut Frédéric’ Cino.
La ligue à cause du principe du vote à l’unanimité n’avait pu faire passer que cinq propositions sur plus de cinq cents en cinq ans.
― Passons au dernier vote dans ce cas, reprit le président du mouvement. Qui est pour que nous fassions l’action juridique contre la Galaxy Corporation proposé par Akira Kanzaki ?
Akira et Léonard levèrent la main.
― C’est que…c’est dangereux, dit Alberto’ D’Alino… la Galaxy Corporation n’est pas du genre à voir d’un bon œil ce genre d’attaque…
― Je pense quant à moi que cela pourrait nuire à l’image de la Ligue, dit Frédéric’ Cino.
L’ingénieur tenta de défendre son idée une dernière fois :
― Mais c’est justement parce que personne n’ose rien faire contre cette compagnie, ni lui demander de rendre des comptes qu’elle est si puissante. En tant que Ligue de refus nous devrions être justement ceux qui osent !
Personne ne répondit. Kanzaki s’assit à nouveau et tourna la tête vers Léonard cherchant de l’aide pour défendre son idée. Mais ce dernier ne regardait pas de son côté, il fixait Jik. Un bruit se fit entendre. C’était le bruit de tous les papiers que les membres de l’assistance étaient en train de ranger. La réunion était sur le point de se terminer.
― Un instant s’il vous plait, dit Jik. J’aimerais dire quelque chose au sujet du premier vote. J’ai pris la décision de voter moi-même pour. Nous avons donc trois votes sur quatre en faveur de cette idée. Sachant que les Terres Bleues sont en transition et n’ont pas pu s’exprimer aujourd’hui, je considère comme non valable le vote de Léonard Rei à titre exceptionnel. Léonard j’espère que vous me comprendrez.
Thomas’ regarda Léonard qui fixait toujours Jik. Le chef des Terres Bleues qui était la cible de tous les regards ne dit rien et resta comme il était, sans bouger, continuant à fixer Patrice Jik.
― Bien, comme il n’y a pas d’objection et que 100% des trois votes ont été obtenus, notre Ligue acceptera dorénavant les transports d’animaux en plus des transports de matériaux et d’ondes déjà acceptés auparavant. Je déclare la réunion terminée.
Léonard et Thomas’ se levèrent comme tout le monde, mais ne restèrent pas à discuter comme la majorité des autres allaient le faire. Ils se dirigèrent vers Akira Kanzaki rapidement et discrètement.
― Monsieur Kanzaki nous nous retirons, dit Léonard en serrant la main de l’ingénieur.
― A bientôt je l’espère, lui dit Thomas’ en lui serrant la main à son tour.
― A bientôt, répondit Akira.
Ils l’avaient salué, comme si de rien n’était, en continuant de se diriger vers la sortie. Paméla’ les regarda s’en aller. Elle aurait aimé remercier Léonard, mais il était déjà trop loin et de toute façon son chef étant proche d’elle, elle n’aurait pas pu parler librement. En sortant de la pièce Léonard dit à Thomas’ :
― On passe au plan B, le vieux est le jouet de la taupe.
En s’en allant à son tour, Kanzaki regarda la carte de visite que Thomas’ King lui avait discrètement mise dans la main alors qu’il le saluait.